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Âge d'or du cornet à pistons

Les années après l'invention du cornet à pistons furent une époque prospère pour celui-ci. Apprécié par un certain nombre de personnes célèbres,  il s'est répandu dans un grand nombre de pays tels que l’Angleterre, les Etats-Unis ou encore la France. Une classe d’étude au sein du Conservatoire National Supérieur de Paris sera même consacrée à cet instrument. Cependant, au fur et à mesure du temps, sa place au sein de l'orchestre et du conservatoire sera négligée. Même si sa présence dans les orchestres reste régulière, le cornet n'est plus autant apprécié qu'à la moitié du XIXe et du XXe siècle. Aujourd'hui le cornet à pistons est utilisé pour certaines de ces spécificités dont nous parlerons plus tard. 

La découverte du cornet à pistons

En 1830 vient l'idée à Philippe Musard de produire une série de concerts-promenades à Paris. Musard est un chef d’orchestre et compositeur français. Ses concerts, connus sous le nom de "Concerts-Musard", sont  constitués de musiciens et de danseurs qui se produisent sur les Champs-Élysées. L’illustration (fig.1) est une gravure du XIXe représentant un concert de Musard sur les Champs-Élysées. Ses concerts qui se jouent à l'extérieur, permettent à n'importe quelle personne de les écouter. Cela engendre beaucoup de notoriété. Dans son orchestre, Musard ajoute des cornets à pistons, qui, au fur et à mesure du temps, prendront de plus en plus la place de soliste. C'est ainsi que 2 célèbres cornettistes arpenteront la scène : Forestier et Dufresne. Leur grande virtuosité leur permettra de jouer divers solos. Cette popularité amenée par ces concerts sera de même pour le cornet à pistons. La pratique du cornet va donc se démocratiser. Les compositeurs ainsi que les facteurs d'instruments s'y intéresseront.

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Joseph Forestier (1815-1882), corniste, cornettiste et compositeur français. Professeur de cornet à pistons au Conservatoire de Paris de 1856 à 1870. Il a écrit une méthode pour cornet et saxhorn (fig.2).

figure 2*

À cet instant, le répertoire du cornet à pistons est très limité. Ils se composent essentiellement de quadrilles. Les quadrilles sont des danses d'origine parisienne du XIXe siècle, elles se composent en 6 parties mêlant binaire et ternaire.

La date du 21 décembre 1831 est importante pour le cornet à pistons puisque c'est la première fois que cet instrument se présente dans l'orchestre symphonique avec l'opéra "Robert-le-diable" de Meyerbeer. Le cornet à pistons sera d'ailleurs de plus en plus présent dans les œuvres écrites de célèbres compositeurs.

Le cornet à pistons fait défaut à la trompette

Le cornet s'impose de plus en plus dans l'orchestre. La trompette, dans certains cas, est même délaissée. Mais pourquoi les compositeurs y trouvent-ils de l'intérêt ?

  • La qualité principale du cornet à pistons est sa sonorité. Celle-ci se situe entre la sonorité héroïque voir agressive de la trompette et le son beaucoup plus rond du cor d'harmonie. Cette qualité lui permet d'être utilisé pour des mélodies dramatiques et pour accompagner les trombones et les cors d'harmonie.

Remarque de Dauverné* dans sa méthode à pistons ou cylindres : "Le Cornet à pistons est tellement répandu aujourd’hui que non seulement il est pour ainsi dire l’âme des quadrilles, mais encore il tient une place importante dans les partitions des plus célèbres compositeurs."

  • Le cornet à pistons, à cette époque, possède plusieurs tons. Cela permettait aux cornettistes de changer la tonalité de l'instrument lorsque l'œuvre changeait de tonalité. Les 3 tons principaux étaient : celui en la, en si bémol et en ut. Ces tons-là, en plus de changer la tonalité de l'instrument, permettaient d'en modifier la sonorité. Le ton en la permet d'approcher la rondeur du cor d'harmonie, le ton en si bémol permet d'exceller en tant que soliste dans les harmonies et fanfares et le ton en ut permet d'approcher la sonorité de la trompette. L'argument des tons sera de courte durée puisque la recherche des facteurs d'instruments sur le perfectionnement de la justesse ne permettra plus au cornet de changer de tonalité (voir La naissance du cornet à pistons).
Un commentaire que nous pouvons trouver dans l'Avant-Propos de la méthode de Jean Baptiste Arban pour cornet à pistons et Saxhorn* publié en 1864 : "Le cornet a définitivement conquis le rang élevé que lui assignent la beauté de son timbre, la perfection de son mécanisme et l'immensité de ses ressources."
  • L'embouchure profonde du cornet à pistons donne la possibilité aux cornettistes d'être très souples et d'être légers dans leurs articulations. 
  • La trompette de cette époque, plus grave que le cornet, garde beaucoup de défauts.
Commentaire de Gevaërt* dans son Nouveau traité d'instrumentation publié en 1863 : " Le cornet à pistons se distingue des autres instruments à embouchure de la région aiguë par son extraordinaire facilité à émettre, articuler et lier les sons. Dans l'exécution des gammes diatoniques et chromatiques, des roulades et des trilles, il rivalise presque de légèreté avec la clarinette et la flûte (I) ; la répercussion très rapide de la même note au moyen du double ou du triple coup de langue lui est aussi familière qu'à la trompette. Enfin il chante avec une égale aisance la mélodie rythmique et la cantabile. Les scènes de la vie populaire (fêtes, défilés, cortèges, etc.) fournissent au cornet maintes occasions de se séparer momentanément de l'ensemble pour briller isolément."
Les commentaires précédents nous prouvent les qualités du cornet à pistons. Cependant, il existe aussi des avis négatifs : son approche dans la musique légère ne lui donne pas une bonne réputation, il est même considéré comme un instrument vulgaire. Dans le chapitre Harmonie et fanfare, un commentaire de Théodore de Lajarte plutôt dénigrant y est présenté.

Les compositions pour le cornet à pistons

Le cornet à pistons, qui prend de plus en plus d'ampleur comme exprimé précédemment, intègre des œuvres de compositeurs célèbres comme l'opéra de "Carmen", les ballets "Roméo et Juliette" ainsi qu'une grande place dans "L'Histoire du soldat" d'Igor Stravinsky. Le chapitre L'orchestre symphonique développe le répertoire du cornet à pistons entre la moitié du XIXe et du XXe siècle.

La classe du Conservatoire National de Paris et ses virtuoses

Vers la moitié du XIXe, le nombre de personnes pratiquant le cornet augmente. En 1857, le budget militaire conséquent offre la chance au Conservatoire de créer de nouvelles classes dans le Gymnase Musical (annexe du Conservatoire). Cette année-là, la première classe militaire pour cornet à pistons ouvre. La tâche de professeur est donnée à Joseph Forestier, cornettiste soliste aux Concerts-Musard. Forestier y enseigne jusqu'en 1870, date où la classe militaire ferme. Durant ces 14 années, 30 prix sont décernés. Les morceaux de concours sont des solos et airs variés écrits par Forestier. Une seule oeuvre de concours n'est pas composée par lui mais par Génin. Voici un portrait de Joseph Forestier (fig.3).
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figure 3*

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figure 4*

Si la classe militaire prend fin en 1870, une classe au sein même du Conservatoire est ouverte en 1868. C'est le célèbre Jean-Baptiste Arban qui y prend le rôle de professeur. Il tenait la classe militaire de Saxhorn avant cela. Né en 1825 et décédé en 1889, Arban est sans doute considéré comme le plus grand cornettiste français de son époque. Très jeune, il est engagé dans l'armée en tant que musicien. À l'âge de 16 ans, Arban entreprend des études de trompette naturelle au Conservatoire de Paris. À la suite de son diplôme, il décide de laisser tomber la trompette pour le cornet à pistons. Il reprend du service à la marine où il façonne une technique appelée "le coup de langue" (expliquée dans Production de son) lui permettant de devenir l'un des plus grands virtuoses de cet instrument.
En 1854, Arban écrit la Grande Méthode complète pour cornet à pistons et saxhorn (fig.5). Aujourd'hui, cette méthode est toujours utilisée par de nombreux musiciens. On dit souvent d'elle, qu'elle est "La Bible du trompettiste". Dans cet ouvrage on trouve des exercices pour travailler la souplesse, les liaisons, les trilles, les gammes majeures et mineures, le chromatisme, les coups de langue… À la fin du livre se trouvent des variations donnant l'occasion aux instrumentistes de mettre en usage le travail exécuté au préalable. "Les variations du Carnaval de Venise" sont très connues dans le répertoire du trompettiste/cornettiste.

Voici un extrait de cette pièce exécuté par Wynton Marsalis au cornet à pistons avec le Boston Pops orchestra et dirigé par John Williams : 
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figure 5*

Conservatoire national de musique de Paris
Classe de cornet à pistons (1910-1911)
Berthelot (auditeur). Mériguet. Neff. Sinoquet. Kauffmann. Alex. PETIT (Professeur). Pichet. Lafosse. Montigny. Carrière.
Gurs. Douanne (élèves). Ch. Demailly (accompagnateur).
Phot. Hauet.
Entre 1883 et 1888, Arban développe le "cornet-Arban" où y est installé un système de compensation complexe et obtient d'excellents résultats au niveau de la justesse. De par ce système, les doigtés ne correspondront plus aux autres cornets standards. Il travaille avec l'ingénieur L.Bouvet pour y remédier. Cependant, un système plus simple breveté par Adolphe Sax en 1843 deviendra la norme d'aujourd'hui. Le système de compensation d'Arban sera posé sur des instruments plus graves comme le tuba mais n'existe plus sur le cornet à pistons. 

figure 6*

  • De 1875-1880, Jean-Baptiste Arban arrête l'enseignement. C'est Jacques-Hippolyte Maury qui remplace Arban durant cette période. Précédemment professeur de saxhorn, il fut cornet solo à l'Opéra et il écrivit quatre célèbres concertinos. 
  • De 1880-1889, Arban reprend l'enseignement. Sa période d'enseignement au Conservatoire, ainsi que les années qui suivirent, montrent l'entrain des compositeurs pour le cornet à pistons. Les morceaux de concours écrits en grande partie par les enseignants sont aussi écrits par des compositeurs. Des œuvres de Léonce Cohen, Hubans, G. Huë, Francis Thomé, Jules Mouquet, etc. deviennent les pièces de concours.
  • De 1889-1910, c'est Jean-Joseph Mellet qui enseigne le cornet, soliste aux Concerts-Musard, au Théâtre Italien et à l'Opéra.
  • Par la suite, Alexandre Petit devient le professeur de cornet à pistons, du moins jusqu'en 1925. 
  • À partir de cette date, c'est Foveau qui enseigne le cornet au Conservatoire de Paris.
Voici une liste des professeurs de cornet à pistons au Conservatoire de Paris :
En 1942, un décret décide de fermer la classe de cornet à pistons, il ne reste alors qu'une classe mixte pour la trompette et le cornet à pistons. Une seconde classe ouvre, l'une prédomine avec la trompette et l'autre avec le cornet à pistons. En 1981 au Conservatoire de Lyon, la seule classe fondée est celle de trompette.
Aujourd'hui la place du cornet à pistons dans les conservatoires est restreinte. Son utilisation se raréfie. Certains l'utilisent pour exécuter les œuvres de son répertoire, d'autres ne l'utilisent même plus. Le diplôme de trompette donne l'accès à l'enseignement des petits cuivres (cornet à pistons, bugle et trompette). Actuellement, plus aucune classe n'existe au Conservatoire de Paris pour l'apprentissage du cornet à pistons.
figure 1* Le Concert Musard, aux Champs Elysées

Gravure XIXe, collection privée.

figure 2* Forestier Joseph. Méthode complète théorique et pratique pour le cornet chromatique à pistons ou cylindres. Bernard Latte. Paris, 1844.
figure 3, 4 et 6* L’INSTRUMENTAL, « L’INSTRUMENTAL ILLUSTRÉ ».

figure 5* Arban Jean-Baptiste. Grande Méthode Complète de Cornet à Pistons et de Saxhorn, s. d

Remarque de Dauverné* L’INSTRUMENTAL, « L’INSTRUMENTAL ILLUSTRÉ ».

Remarque d'Arban* Arban Jean-Baptiste. Arban complete celebrated method for the cornet. New York: Edwin Franko Goldman, 1857.

Commentaire de Gevaert* Gevaert F. A. Traité général d’instrumentation. Gand, 1865.

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